Titmouse est un studio d'animation primé, réputé pour ses productions audacieuses, irrévérencieuses et avant-gardistes.

Avec des bureaux à Los Angeles, New York, Vancouver et désormais à Paris, la société s’est forgé une solide réputation en créant des œuvres originales tout en collaborant avec les plus grandes plateformes et studios internationaux.

En ouvrant son premier studio européen en région Île-de-France, Titmouse rejoint l’un des pôles créatifs les plus dynamiques au monde, s’appuyant sur un vivier unique de talents artistiques, des écoles d’animation de renommée internationale et un écosystème audiovisuel en pleine effervescence.

Dans le cadre de cet entretien exclusif, nous avons échangé avec Ben Kalina, directeur des opérations de Titmouse, and Antonio Canobbio, directeur de la création de Titmouse, afin de mieux comprendre les motivations de l’entreprise à s’implanter en région Île-de-France et de découvrir ce nouveau chapitre qui marque une nouvelle étape décisive dans le parcours international de Titmouse, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités de collaboration, d’innovation et de création « made in région Île-de-France ».

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter brièvement Titmouse ainsi que votre rôle au sein de l’organisation ?

Depuis sa création il y a vingt-cinq ans, Titmouse s’est imposé comme un studio d’animation primé aux talents multiples ainsi qu’une véritable icône de la pop culture. Parmi ses productions récentes les plus emblématiques figurent Big Mouth, The Legend of Vox Machina, The Venture Bros., Star Trek: Lower Decks, ou encore Beavis and Butt-Head, pour n’en citer que quelques-unes. Avec la puissance d’un grand studio et l’état d’esprit d’une structure indépendante, Titmouse est aujourd’hui l’un des studios d’animation les plus prolifiques et reconnus dans le monde, bousculant les codes traditionnels de l’animation en mettant l’accent sur la comédie, les communautés subversives et contre‑culturelles, et en diversifiant ses activités afin de créer toujours plus de passerelles avec son public : produits dérivés, spectacles et événements en direct, festivals, expériences interactives, et bien plus encore.

BK: En tant que directeur des opérations chez Titmouse, je supervise la production et le développement de nos trois studios. Je pilote également l’ensemble des productions en cours et à venir, je gère les méthodes de production et je veille à ce que chacune de nos actions contribue à faire rayonner et à préserver la vision globale du studio.

AC: Je suis directeur de la création chez Titmouse. En tant que tel, je dirige l’orientation artistique de l’ensemble des projets de Titmouse. Ceux-ci incluent, entre autres, Star Trek: Lower Decks, The Legend of Vox Machina, Mighty Nein, Fairfax, Love, Death and Robots: How Zeke got religion, ainsi que The Boys Presents: Diabolical.

En quoi la région Île-de-France s'est-elle révélée le lieu idéal pour votre expansion en Europe ?

BK: Nous collaborons avec des artistes français depuis longtemps, depuis au moins une dizaine d'années. Au fil du temps, l'équipe a grandi naturellement grâce aux recommandations qu’ils ont faites auprès de leurs amis. Antonio entretient par ailleurs d’excellentes relations avec les écoles et studios en France, ce qui a permis à l’équipe de grandir progressivement et d’atteindre une taille significative. En 2019, nous avons commencé à envisager l’ouverture d’un espace physique afin d’y rassembler l’équipe et de lui confier des projets. Disposer d’une implantation en France nous permettrait également de bénéficier du crédit d’impôt TRIP, une opportunité qui favoriserait encore la croissance de l’équipe. Malheureusement, 2020 est arrivée peu après le début de nos recherches et nous avons dû mettre ce projet de côté quelque temps, tout en maintenant l’équipe en télétravail.

Plusieurs régions nous ont été recommandées pour des raisons financières (coûts d’exploitation, crédits régionaux, etc.), mais Paris était une évidence pour nous. Vous êtes à proximité d’écoles, d’autres studios sont implantés à Paris, ceci crée un écosystème fluide où les artistes peuvent bouger facilement, et il est aisé pour les clients étrangers, ou les artistes installés hors de Paris, de rejoindre la ville.

AC: Je vais tâcher de rester succinct… même si j’ai du mal à cacher mon enthousiasme. Je suis originaire de Paris (banlieue proche, pour être précis) et, après 27 années passées aux États-Unis, il n’y avait en réalité qu’un seul endroit qui avait du sens pour accueillir notre studio français : Paris, ma ville natale. Alors oui, c’est un peu comme un tour d’honneur !

Mais la véritable raison, c’est le talent. L'Europe possède une énergie créative unique, façonnée par une culture qui met l’accent sur l’art et par des écoles d’exception — mais la plus forte concentration se trouve en France, et plus particulièrement à Paris. Pour le type de productions que nous développons, il allait de soi de s’installer dans ce pôle et d’ouvrir un terrain de jeu pour ce vivier de créativité exceptionnel.

L’écosystème de l’animation en région Île-de-France génère une valeur économique considérable tout en favorisant l’excellence créative. Quels atouts stratégiques et quelles opportunités de marché en région Île-de-France se sont révélés les plus précieux pour accélérer votre croissance ?

BK: Ayant déjà ouvert des studios dans différentes villes, je peux dire qu’il est crucial de disposer d’un écosystème de production bien structuré. Cela signifie :

• Des écoles - pour le recrutement et l’accès aux talents, mais aussi pour collaborer avec elles sur les contenus pédagogiques et la formation.
   
• D’autres studios - si vous êtes dans une région avec peu de studios et qu’il y a une période creuse entre deux projets, les artistes iront voir ailleurs. Le fait d’avoir d’autres studios à proximité permet au contraire aux talents de trouver d’autres opportunités sur place. De plus, les studios s’entraident, même si nous sommes en réalité en concurrence sur certains projets. Il y a un partage de contacts de partenaires et de prestataires, et chacun bénéficie de l’expérience des autres.
   
• Des clients - si, au départ, beaucoup de nos clients existants collaborent avec l’équipe parisienne, il existe aussi un immense potentiel pour collaborer avec des clients basés à Paris. Les diffuseurs viennent immédiatement à l’esprit, mais Titmouse produit aussi beaucoup de contenus publicitaires et de communication de marque. Le fait de pouvoir rencontrer les clients et organiser des sessions de travail en présentiel est crucial.

La Région abrite des institutions de renommée mondiale comme Les Gobelins, qui forment des talents d’animation d’exception. Quels profils recrutez-vous en région Île-de-France et comment comptez-vous attirer les talents locaux chez Titmouse ?

AC: La France compte de très bonnes écoles, et Paris abrite certaines des meilleures, d’ailleurs nous collaborons déjà avec plusieurs d’entre elles et espérons élargir encore notre réseau. Si des étudiants ou anciens élèves ne connaissent pas encore Rachel, notre responsable du recrutement, ils devraient absolument prendre contact avec elle.

Chez Titmouse, nous constituons des équipes sur mesure pour chaque projet, en équilibrant soigneusement les compétences afin d’éviter tout point faible. Cela signifie que nous faisons appel à différents viviers issus de différentes écoles, selon la nature de la production et le type de profils qu’elles ont contribué à former. Ce que nous voulons que les talents locaux sachent, c’est que Titmouse n’est pas un lieu où leur créativité se contente d’entrer dans une chaîne de production : elle contribue réellement à définir les œuvres.

La série Mister Miracle vient d’être annoncée au Festival international du film d’animation d’Annecy. Comment percevez-vous ce type d’opportunité dans l’évolution de Titmouse et de ses partenariats en France ?

BK: Mister Miracle a un style unique qui correspond parfaitement à l’équipe installée ici. Bien que les viviers de talents dans chaque ville où nous travaillons soient vastes, il existe des styles pour lesquels les artistes sont formés au niveau régional. Je ne peux pas encore en dire trop sur cette série, mais son esthétique convient particulièrement bien à notre équipe basée à Paris.

AC: Je rejoins Ben sur ce point : nous avons toujours constitué nos équipes en fonction du projet afin d’obtenir le meilleur résultat possible. Chez Titmouse, nous sommes fiers de ne pas avoir de « style maison » — c’est justement ce qui nous permet de relever tous les défis graphiques, aussi variés soient-ils. Avec cette nouvelle antenne, notre objectif reste le même : encourager la diversité des styles et des voix autant que possible, afin de continuer à repousser les limites et créer des projets toujours plus audacieux et inspirés pour l’avenir.

La France a développé des dispositifs financiers attractifs pour attirer les productions internationales. De votre point de vue, comment ces mesures créent-elles des opportunités de croissance pour Titmouse ?

BK: Les incitations fiscales aident évidemment les productions, pour autant, nous avons toujours eu pour habitude de consacrer chaque dollar à l'écran et de vraiment pousser la complexité des séries le plus loin possible. L’accès au crédit d’impôt TRIP permet de rendre possibles certaines séries plus ambitieuses, et surtout de maintenir davantage de travail localement dans la région qui apporte ce soutien.

Pouvez-vous nous dire comment Choose Paris Region a facilité votre projet d’implantation en France, et quel impact cela a eu sur votre calendrier ?

BK: Collaborer avec l’équipe de Choose Paris Region a été formidable. Bien que nous sachions comment produire d’excellentes séries et que nos équipes créatives soient déjà en place, opérer à Paris relève de la nouveauté pour nous. CPR nous a fourni de nombreuses références et conseils à mesure que nous apprenions comment mettre en place nos activités à Paris.

Au regard de votre propre expérience, quel conseil donneriez-vous à ceux qui envisagent de s'installer en région Île-de-France ?

BK: S’implanter dans un nouveau pays quand on est une entreprise étrangère, c’est toujours une expérience singulière. Banques, services juridiques, ressources humaines, propriétaires et baux : chacun a ses propres règles, délais et usages, souvent inconnues jusqu’à ce qu’on soit confronté à leur réalité. Ce n’est ni mauvais, ni un problème ou difficile, c’est juste différent. En somme, il faut donc s’entourer de partenaires capables de vous aider à naviguer dans ce système, parce qu’on ne sait pas ce que l’on ignore tant qu’une situation ne se présente pas.

AC: Je reprends ce que dit Ben, mais en d’autres termes : il faut rester agile et abandonner les idées préconçues sur la façon dont les choses « devraient » fonctionner chez soi. Face à tant de zones d’ombre, impossible de tout planifier dans les moindres détails ; mieux vaut avancer pas à pas en restant flexible et en s’adaptant au fil de l’eau.

Avez-vous un lieu ou une adresse préférée en région Île-de-France ? Qu’est-ce qui le rend spécial à vos yeux ? Et y allez-vous régulièrement ?

AC: Pour moi, c’est un lieu très personnel : Le Père-Lachaise. Adolescent, j’y ai appris à dessiner — en étudiant la perspective à travers les tombes et les arbres de ce vaste cimetière, tout en rendant visite à certains de mes héros comme Chopin, Édith Piaf et Victor Noir. Aujourd’hui, mon père repose dans le Jardin des Souvenirs, et je viens le voir à chaque fois que je reviens à Paris.